CLIMAT : adaptation sans atténuation, piège à cons
La logique la plus élémentaire conduit à distinguer les actions pour limiter l’ampleur du réchauffement climatique et du dérèglement climatique qui s’ensuit et les actions pour limiter les multiples nuisances qui résultent de cette évolution du climat.
Dans le jargon du GIEC, c’est “atténuation” et “adaptation”, les actions sur les 2 registres devant être menées simultanément.
Dans les faits, milles actions sont entreprises pour s’adapter à l’évolution du climat (des infrastructures à mettre en place pour limiter l’ampleur et les effets des inondations au choix des arbres à planter …). Les actions pour limiter les inondations consistent à mieux gérer les volumes d’eau qui soudainement arrivent, le choix des arbres vise à notamment s’adapter à la durée des sécheresses.
Sauf que, si, dans le même temps, nous ne prenons pas de décisions efficaces pour limiter l’ampleur du réchauffement climatique, les “évenements climatiques extrêmes” se multiplient et l’intensité de certains d’entre eux augmente.
De même, sans mesure pour atténuer l’ampleur du réchauffement climatique, les scientifiques annoncent et expliquent que le rythme du réchauffement accélèrera.
Tant que très peu de mesures pour atténuer le réchauffement climatique sont mises en œuvre, les mesures d’adaptation au dérèglement climatique consistent à courir derrière quelque chose qui accélère sans cesse. L’adaptation est alors un combat perdu d’avance.
Pourquoi donc nos “responsables”, pourtant intelligents et informés, privilégient les actions d’adaptation et négligent les actions pour atténuer l’ampleur du réchauffement climatique ?
D’abord parce que les actions d’adaptation se voient (construction d’une digue, par exemple) et mieux encore, les effets des mesures d’adaptation sont visibles et, dans un premier temps, réels et efficaces. Une digue, ça protège. Une clim dans l’EHPAD, ça limite les dégâts.
Et il ne s’agit évidemment pas pas pour CLIMAT05 de dire qu’il faut négliger les actions de ce type (en tout cas quand elles ne contribuent pas exagérément à aggraver le réchauffement climatique et par suite, les événements dont on prétend atténuer les effets).
Inversement, les actions qui visent à atténuer l’ampleur du réchauffement climatique subissent trois handicaps qui se cumulent.
Concrètement, les mesures à prendre consistent principalement à obtenir une limitation des émissions de gaz à effet de serre. Mais ces émissions se comptent par dizaine de milliards et sont réparties sur toute la planète. Ce qui est fait ici ou là pour limiter les émissions est sans effet si ailleurs, on continue “comme avant”, à émettre sans compter.
Le premier obstacle est une impression d’inefficacité voire d’inutilité.
Le deuxième est que nos dirigeants et beaucoup d’entre nous pensent qu’il n’est pas de bonheur hors de la croissance : développer les activités économiques serait en quelque sorte indispensable. Ils sont adeptes par principe du développement et s’attachent juste à l’habiller du vocable de “développement durable”. Les actions d’adaptation génèrent de l’activité économique. Il faut des engins, il faut du ciment pour construire la digue qui protègera tel quartier. Inversement, les actions d’atténuation tendent souvent à limiter, limiter la consommation de biens dont la fabrication consomme beaucoup d’énergie, limiter la consommation de viande bovine pour limiter le cheptel et par suite, les émissions de méthane, limiter les transports non indispensables comme par exemple des trajets en avion pour une activité touristique … Tout ça va contre ce qu’est la culture de nos dirigeants et de ceux qui partagent leur culture.
Enfin, beaucoup des mesures qu’il faut prendre sont vécues comme des limitations et parfois, sont directement des limitations, comme la proposition des citoyens de la convention citoyenne du climat de limiter la vitesse à 110 km heures sur les autoroutes. Et on a tous envie d’être très libres. Il existe une opposition à tout ce qui vient contrarier nos désirs et l’expression “écologie punitive” reflète parfaitement ce qui est ressenti.
mauvais choix.
Sauf qu’en face de la satisfaction à avoir empêché les mesures dites “d’écologie punitive”, des mesures comme la limitation des voyages en avion, il y a tout ce que le dérèglement climatique commence à nous faire subir (1) : augmentation de la fréquence et de l’intensité des canicules, des périodes de sècheresse, des incendies, des inondations …. tout ce que nous proposons d’appeler le climat punitif.
Nous proposons à chacun de comparer les désagréments que les mesures qui limiteraient significativement les émissions de gaz à effet de serre feraient subir si elles étaient prises avec les désagréments que l’évolution du climat fait subir et fera sans cesse plus intensément subir.
Notamment pour les moins riches, qui subiront de plein fouet les évolutions du climat (pas beaucoup de piscine et de climatisation dans les HLM), il n’y a pas photo.
Et ce ne sont pas les mesures qui visent à s’adapter au dérèglement climatique qui peuvent suffire à limiter les dégâts si, faute d’avoir pris des mesures pour limiter l’ampleur du réchauffement climatique, le réchauffement accélère.
Faire en partie un pari :
Nous avons énoncé trois obstacles qui s’opposent à la mise en œuvre de mesures limitant significativement les émissions de gaz à effet de serre.
Le dernier était que ça ne plait pas de limiter ce qu’on peut faire (voyager, acheter ..). Nous avons répondu que oui, mais que les catastrophes que le dérèglement climatique commence à apporter plairont encore moins.
L’avant dernier était la culture du développement selon laquelle le développement de l’activité économique est nécessaire au bien-être. Allez dire ça aux 61 personnes mortes ces premiers mois de 2024 en Thaïlande en raison des chaleurs extrêmes (2). Si dans certains pays un développement est encore souhaitable, en Europe, mieux répartir les richesses suffirait à assurer un confort plus agréable que l’inconfort qui s’annonce avec l’évolution du climat si on ne la ralentit pas.
Le seul argument un peu convaincant est celui de l’inefficacité des mesures contraignantes prises ici si ailleurs ils continuent comme avant.
C’est assez convaincant en ce sens que personne ne peut prouver qu’ailleurs, ils finiront par eux-aussi comprendre qu’on a tous plus à perdre qu’à gagner à ne pas tenir compte de la nécessité de réduire significativement les émissions de gaz à effet de serre.
C’est effectivement en partie un pari que nous proposons.
D’autres parient sur le fait qu’on trouvera des solutions techniques, capture massive de carbone et compagnie.
Les climatologues disent qu’il y a urgence à prendre les mesures pour limiter les émissions de gaz à effet de serre sans quoi, dans les toutes prochaines années, des seuils seront franchis à partir desquels il y aura mécaniquement un emballement du réchauffement climatique.
Parmi les reproches que l’on peut faire au pari des solutions technologiques, il y a celui du calendrier : à supposer que des solutions assez efficaces soient trouvées un jour, c’est quand ?
Le pari des solutions technologique est très aléatoire
Les mesures d’adaptation sont elles perdantes si le réchauffement climatique continue d’accélérer
Ne reste pour limiter les nuisances de l’évolution du climat, éviter qu’elles soient catastrophiques, qu’à prendre des mesures exemplaires pour limiter les émissions de gaz à effet de serre, en faisant le pari que le plus grand nombre de pays suivent le même exemple.
texte cosigné par les associations CLIMAT05 et CLIMAT PUNITIF
(1)
La chaleur extrême qui frappe la Thaïlande a fait plus de soixante morts depuis le début de l’année, a déclaré le ministère de la Santé ce vendredi. Selon un communiqué, 61 personnes ont été victimes d’insolation à travers le pays, contre 37 pendant toute l’année 2023.